Retrouver les enfants congolais non-vaccinés: des acteurs de tout le pays lancent le premier Accélérateur zéro-dose pour renforcer la mise en oeuvre et le suivi

Reda SadkiGlobal health

«Si je réussis mon projet de terrain, je m’attends à avoir au moins vacciné 345 enfants».

Cet engagement n’a pas été pris par un ministre dans la capitale, mais par Jérémie Mpata Lumpungu, infirmier titulaire dans la province du Kasaï.

Il n’était pas seul.

Lundi 10 novembre 2025, un appel a résonné à travers la République démocratique du Congo.

Depuis Kinshasa, le Dr Josaphat-Francois WETSHIKOY, épidémiologiste, a détaillé son objectif pour les 21 prochains jours: «récupérer 30 % des enfants» non vaccinés dans sa zone cible de 230 000.

Barthélemy Daké Saoromou, préparant une stratégie mobile, vise «plus de 500 enfants zéro dose».

Cette détermination palpable, venue de praticiens de tout le pays, a marqué le lancement de l’«Accélérateur d’impact zéro-dose».

Il ne s’agit pas d’une formation ou d’un atelier de plus.

C’est une nouvelle phase d’action, un «système de soutien» pour la mise en oeuvre et le suivi, conçu par la Fondation Apprendre Genève (TGLF), en partenariat avec l’UNICEF, avec le soutien de Gavi, et sous l’égide du Programme Élargi de Vaccination (PEV) de la RDC. En savoir plus

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C’est, pour ses participants, un «baptême du feu».

Du constat à l’action

Ce nouvel élan pour la vaccination n’est pas né de rien.

Il s’appuie sur les leçons d’un vaste exercice d’apprentissage par les pairs qui a mobilisé plus de 1 600 praticiens congolais pour développer 385 projets de terrain.

Les résultats de cette analyse, présentés au lancement, ont été sans concession.

La découverte la plus importante: le problème des enfants zéro dose en RDC est avant tout «un problème de gestion et de relation».

Les praticiens ont affinée l’explication officielle inscrite dans le plan Mashako, selon laquelle le principal obstacle est que «la mère est trop occupée».

Pour eux, la «véritable cause, la cause racine, c’est un échec du système de santé», c’est-à-dire un système qui «ne réussit pas à adapter ses services […] à la vie réelle et au travail des parents».

Leurs analyses ont aussi pointé un problème de gestion des Relais Communautaires (RECO), qui se sentent «ignorés ou exclus de la planification», et une méfiance qui naît «en réaction à des échecs précis du système de santé», comme la mauvaise gestion des effets secondaires des vaccins.

Une cohorte du niveau national à l’aire de santé

Les voix qui portent ces engagements ne sont pas anonymes.

La force de l’Accélérateur réside dans la diversité de sa cohorte.

Les participants sont des médecins (comme le Dr Derrick Ngoyi MALOBO au Centre de santé de Kenge), des infirmiers et infirmières (comme Marlène KAPINGA MULUMBA au niveau national ou Jérémie Mpata Lumpungu au niveau local), des agents de santé publique (comme Bonnet Leteta en province) et, surtout, un grand nombre d’agents de santé communautaire (comme Martine YOWA NDAYE ou David BINWA dans leurs Aires de santé).

Ils représentent tous les échelons du système: du niveau National à Kinshasa jusqu’au Centre de santé le plus reculé, en passant par la Province et la Zone de santé.

Ils proviennent du Gouvernement (la majorité des participants), mais aussi de la Société civile (ONG) et du Secteur privé.

C’est cette alliance de praticiens, du sommet à la base, qui est maintenant mise en action.

L’action avant vendredi

Le mécanisme de l’Accélérateur est conçu pour être radicalement concret, transformant les constats de terrain en action immédiate.

D’abord, chaque participant doit fixer un «objectif à 30 jours».

Il doit répondre à cinq questions: quelle communauté aider; combien d’enfants zéro dose s’y trouvent; quelles acteurs impliquer; quel est l’obstacle principal; et quel résultat mesurable atteindre en un mois.

Ensuite, et c’est le cœur du réacteur, chaque lundi, le participant doit définir une «action spécifique et réalisable» qu’il s’engage à accomplir avant le vendredi de la même semaine.

Lors du lancement, les engagements pour la semaine à venir étaient tangibles.

Pour Noëlly Zola Watusadisi, médecin dans la zone de santé de Bombay qui gère 12 îlots fluviaux, son action pour la semaine n’est pas de tout faire, mais de commencer: «entrer en contact avec les infirmiers de chaque îlot» et appeler les chefs de quartier pour préparer la sensibilisation.

David Binwa, du Nord-Kivu, a un plan similaire.

Son action d’ici vendredi: tenir une activité avec les RECO d’ici jeudi afin d’«identifier les vrais problèmes» avant de lancer une sensibilisation de masse.

Le rendez-vous: la redevabilité entre pairs

L’efficacité de l’Accélérateur repose sur un dernier pilier: la redevabilité (accountability) entre pairs.

Ce vendredi, chaque participant devra répondre à un formulaire de suivi de trois questions.

La première: «Avez-vous vacciné des enfants à zéro dose cette semaine?»

La seconde: «Dans quelle mesure avez-vous progressé dans la réalisation de votre action de la semaine?».

Mais le véritable test aura lieu lundi prochain, lors de la prochaine assemblée de la cohorte.

«Lundi prochain à l’Assemblée, déjà, vos collègues vont rechercher, est-ce qu’il est là, celui qui avait déclaré qu’il allait faire telle ou telle chose la semaine dernière», a prévenu Charlotte Mbuh, qui accompagne le groupe. «Et si vous n’êtes pas là, ils vont en faire le constat, mais si vous êtes là, ils vont vous demander est-ce que vous l’avez fait?».

Cette pression n’est pas conçue comme une punition.

L’objectif est de «nourrir l’entraide, de nourrir la solidarité».

Pour soutenir ce «Mouvement congolais pour la vaccination à l’horizon 2030», 167 ambassadeurs de la Fondation ont été intronisés lors de la cérémonie.

Ce sont eux, des praticiens de terrain, qui aideront à animer cette entraide.

L’Accélérateur est lancé.

Les premiers engagements sont pris.

Le compte à rebours avant lundi prochain a commencé.

Image: Collection de la Fondation Apprendre Genève © 2025. L’image «Échos du soin» fait émerger deux visages comme des souvenirs partagés, fragiles mais tenaces. Les formes simples et les couleurs mêlées disent la tendresse, la fatigue, et la force discrète du geste de soin, qui marque durablement celles et ceux qui donnent comme celles et ceux qui reçoivent.